«Le Mandela burundais» irradie Ottawa de sagesse et cultive l’espoir
Pierre-Claver Mbonimpa proclame sa foi en la justice devant un parterre d’environ 500 participants
«Un témoignage est un legs pour les générations à venir» dit Annabelle Giudice, à travers sa contribution soumise à Iwacu en date du 3 septembre 2017, sous le titre : «Rester debout» Un leg pour les générations à venir».
L’Alliance des Burundais du Canada a eu le privilège d’accueillir à Ottawa le «Mandela burundais», en la personne de Pierre-Claver Mbonimpa et de donner ainsi l’occasion à un demi-millier de Burundais vivant au Canada de boire ses paroles, le 7 octobre 2017 à l’École Secondaire de la Salle.
Et pendant plus de trois heures, dans une salle archi-comble, trois icônes ayant en commun «une conscience tranquille et incorruptible» ont littéralement irradié l’assistance.
A côté de Pierre-Claver Mbonimba, il y avait aussi l’avocat belge Bernard Maingain et le journaliste-écrivain burundais, Antoine Kaburahe. Celui-ci, à travers son livre intitulé : «Rester debout» a immortalisé ce monument et fervent défenseur des droits de l’homme, Pierre-Claver Mbonimpa.
«Le Mandela Burundais», sans doute émerveillé par la qualité de l’accueil mais toujours à travers sa sagesse légendaire et infinie, s’interrogera à haute voix sur sa personne comme suit : «Qui suis-je, qu’ai-je fait et qu’est-ce que je vaux pour mériter une telle attention?». Quelle grandeur d’âme et quelle leçon de modestie de la part de cette personne que ni le temps ni les tourments n’ont usé; que les nombreuses reconnaissances et récompenses tant au niveau national qu’international n’ont pas grisé! La question qu’il s’est posée ne prenait pas seulement en compte la remarquable participation du public (490 participants!) à cette séance de présentation du livre d’Antoine Kaburahe : «Rester debout». Pierre-Claver Mbonimpa se félicitait aussi de l’attention qui lui avait été réservée depuis son arrivée au Canada par les Burundais et de nombreuses personnalités de ce pays. Cela l’a ému jusqu’aux larmes, dira-t-il; cela l’a renforcé dans ses convictions à servir la justice et les droits de l’homme, ce beau travail qui constitue aussi le combat de sa vie.
Bref, Pierre-Claver Mbonimpa est une source de fierté pour les Burundais épris de paix, une source d’inspiration pour tous les jeunes en manque de modèle, en cette période de l’histoire burundaise où des gens s’improvisent héros sans d’autre mérite que celui de continuer à enterrer les valeurs qui ont toujours permis au Burundi de garder la tête hors de l’eau, en toutes circonstances.
Toujours et un peu comme inspiré par la même muse, l’avocat belge Bernard Maingain ne tarira pas d’éloge à l’endroit du «Mandela burundais». Le décrivant comme il est et pas uniquement sous son meilleur jour, histoire de vendre son image au public, cet infatigable défenseur du collectif de victimes de la tyrannie burundaise auprès de la justice internationale parlera de lui comme d’une figure emblématique des droits de l’homme. Me Maingain reconnaîtra que le travail et la détermination de Mbonimpa font partie des choses qui l’encouragent à poursuivre le combat pour la justice. Et d’avertir : «tant que la justice ne sera pas rendue aux innombrables victimes des atrocités, nous ne nous tairons jamais». La salve d’applaudissements venue de la salle ne l’impressionnera pas; elle ne le grisera guère. Cela sera simplement perçu comme une expression d’encouragement de la part de tous ceux qui, comme lui, sont déterminés à se battre sans laisser, un seul instant, tomber les bras pour le retour de la paix et de la justice au Burundi; pour le travail d’enquête qu’on attend de la justice internationale et en particulier de la Cour Pénale Internationale (CPI) sur les crimes et autres atrocités commis au Burundi.
Il sied de souligner que la CPI n’est pas du tout invoquée par souci d’exotisme, c’est uniquement parce que la justice burundaise est constamment instrumentalisée par le pouvoir en place auquel elle est totalement inféodée et ne dispose donc d’aucun levier pour s’en affranchir, au nom du sacro-saint principe démocratique de séparation des pouvoirs si cher à Montesquieu.
Il est donc évident que les yeux sont rivés vers la CPI dont l’acte fondateur, le statut de Rome de la CPI oblige les États signataires à collaborer avec la justice internationale en faisant sien ses idéaux, faute de quoi celle-ci fait valoir sa compétence et ses prérogatives.
Cette réflexion du professeur français André Gishaoua, dans un article publié dans le Point le 9 octobre 2017 et intitulé : «Afrique centrale : un problème avec la démocratie?» est encore plus explicite à propos de l’accès des victimes de la tyrannie à la justice en dépit de l’arrogante attitude des fossoyeurs de la justice: «même dans les pays soumis à l’autoritarisme le plus agressif, il existe toujours des pôles de résistance structurés dont la voix peut être entendue. L’une des tâches prioritaires consiste à documenter les exactions. Leurs données serviront de preuve lorsque des poursuites pourront être engagées. La documentation des crimes demeure aujourd’hui le dernier pouvoir et ultime espoir des résistants. Même dans un lointain futur, ces éléments pourront avoir un rôle déterminant sur ceux qui s’imposent présidents à vie.»
Le trio (Mbonimpa-Kaburahe-Maingain) battrait de l’aile si on ne mentionnait pas son autre élément de taille qu’est Antoine Kaburahe, journaliste et auteur dont, «Rester debout» n’est pas son premier livre, souvenez-vous de «Burundi, la mémoire blessée» publié en 2003. Il dirige aussi le journal Iwacu qui est une sorte de sommet d’un iceberg dont la partie la moins visible est ce groupe de presse qui trône fièrement à Bujumbura où l’aversion à l’égard d’une presse libre est à peine voilée. Autant noter une résilience peu habituelle mais à ce propos et au sujet de cette longévité relative, Kaburahe a une explication : «la rigueur dans le traitement de l’information et le professionnalisme de tout instant».
Concernant son tout récent livre «Rester debout», l’auteur n’en tire aucune fierté personnelle et l’évidence de talent de la part de ce féru de journalisme le met à l’abri de tout complexe. Il semble dire que c’est son personnage de prédilection, une biographie toute faite, qui est le véritable auteur de son livre. Cet ouvrage, il le doit, dit-il, à Pierre Claver Mbonimpa qui a accepté de se livrer à son regard, lui permettant ainsi de constituer cet immense et riche corpus qui sera «un véritable legs pour les générations à venir», si on reprend l’expression d’Annabelle Giudice.
La vie de Pierre-Claver Mbonimpa, cette vie si inspirante au service de sa famille, de son pays mais aussi et surtout des droits de l’homme, nous est dépeinte comme un modèle d’humilité, de sagesse et d’amour pour son prochain. Une personnalité qui, pour l’auteur comme pour Me Maingain ne connaît pas de rancœur à l’endroit de ceux qui l’ont triplement assassiné (Il a été mortellement blessé par balle et a miraculeusement survécu, a perdu son gendre et son fils de 24 ans, fauchés par ceux qui avaient intérêt à le voir anéanti à jamais).
Malgré toutes ces épreuves en cascade et qui ont failli avoir raison de sa détermination et de sa résilience, n’eut été son ultime sursaut: «Rester debout», les mots «rancœur et haine» n’ont pas de place dans son lexique, dira Bernard Maingain.
Au-delà du témoignage vivant qu’Antoine Kaburahe a su, si habilement, graver dans ce beau livre, l’invitation a été lancée à toute personne qui s’estime témoin de quelque réalité que ce soit sur le Burundi, à la coucher sur un bout de papier car, les écrits restent; ils traversent le temps et constituent un patrimoine immense et un véritable trésor pour les générations montantes et celles à venir. Rappelons que le centre Raoul Wallenberg pour les droits de l’homme s’était joint à l’Alliance des Burundais du Canada pour organiser l’évènement. Irwin Cotler, fondateur du centre, ancien ministre et procureur général du Canada et grand activiste des droits de l’homme, a rendu hommage à Mbonimpa dans une vidéo. Ce dernier a mentionné que M. Mbonimpa lui rappelle un autre grand homme que M. Cotler a personnellement défendu: Nelson Mandela. M. Cotler a interpellé le Canada pour qu’il «contribue à combattre l’indifférence et l’inaction au sein de la communauté internationale et de mobiliser les consciences, afin d’en finir avec les atrocités au Burundi».
En marge de cet événement, l’ABC et le centre Raoul Wallenberg ont organisé une conférence de presse au Parlement du Canada pour sonner l’alarme sur la situation des droits de l’homme au Burundi, auprès des médias canadiens.
Il convient de noter aussi que d’autres rencontres avec les autorités canadiennes, la commission parlementaire sur les droits de l’homme, les élus, les médias et les organismes internationaux
ont permis de plaider notamment pour le retour des soldats burundais en mission à l’extérieur de leur pays, afin de maintenir la paix au Burundi. Il ressort également de ces différentes rencontres, le souci et l’engagement de maintenir la pression et les restrictions vis-à-vis du régime burundais, afin qu’il accepte un dialogue inclusif. Pousser la région des grands lacs à aider les victimes du pouvoir actuel, plaider pour les réfugiés burundais menacés dans la région à l’instar de ceux de Kamayola et de Nduta sont aussi les préoccupations majeures ayant marqué ces rencontres. L’autre idée d’importance est celle d’inviter le Canada à aider le Haut-Commissariat pour les réfugiés et d’accueillir certains parmi eux au Canada, tout en accélérant le parrainage des réfugiés burundais qui y sont déjà établis.
Le séjour du trio Mbonimpa-Kaburahe-Maingain était on ne peut plus rafraîchissant pour les Burundais qui ont eu à le rencontrer. Le Président de l’Alliance des Burundais du Canada M. André Dunduri ne s’est pas privé de remercier ces hôtes de marque de leur présence au Canada. Il a salué fermement leur engagement en faveur de la justice et de la cause des victimes des atrocités, en soulignant que cette flamme qu’ils entretiennent est nécessaire en vue de donner plus de tonus à la lutte pour la paix et la justice au Burundi. Il n’a pas manqué de se féliciter pour cette osmose qui aura caractérisé les différentes rencontres entre le trio et les Burundais établis au Canada. De Montréal à Toronto en passant par Ottawa, le moral des Burundais épris de paix et de justice est au Zénith, ledit trio leur ayant fait la démonstration que les crimes commis au Burundi sont systématiquement documentés et que le cas burundais est désormais connu en haut-lieu.
Fait à Ottawa, le 13 octobre 2017
© L’Alliance des Burundais du Canada, ABC