«L’heure est gravissime»! Le dialogue politique en vue d’apaiser les tensions au Burundi a complètement échoué; son caractère inclusif a vertement fait défaut faute de détermination de la part de la médiation est-africaine mais aussi à cause de l’intransigeance et du manque de volonté politique de la part du gouvernement burundais. En tournant le dos au dialogue, le pouvoir se consacre en ce moment à un référendum de tous les dangers programmé le 17 mai 2018 et pour lequel la campagne est en cours. Le processus a été émaillé d’irrégularités flagrantes telles qu’un enrôlement forcé des électeurs ou une interdiction formelle (ligne rouge tracée par le président) de voter contre le référendum. Plus grave encore, le référendum prévoit d’enterrer les principaux acquis de l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi; des acquis qui avaient permis d’avoir une dizaine d’années de paix relative. Il faut souligner clairement que les motivations essentielles à la base du changement de la constitution que ledit référendum est censé valider reposent uniquement sur des calculs politiciens en faveur des intérêts d’un groupe (le pouvoir et ses acolytes) et non de la population dans son ensemble. Même les évêques catholiques du Burundi se sont dits convaincus que la révision constitutionnelle ainsi programmée ne respecte pas les dispositions de l’article 299 de la constitution selon lequel «la révision de la constitution ne peut pas être retenue si elle porte atteinte à l’unité nationale, à la cohésion du peuple burundais ou à la réconciliation». (Voir l’article d’Iwacu dans sa livraison du 3 mai 2018 sous le titre, «Le moment n’était pas opportun pour amender la constitution». D’après les observateurs attentionnés, le président actuel tient à se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034, la tentation d’y rester à vie n’étant absolument pas à écarter. Et pourtant, le régime Nkurunziza qui n’a pas réussi à convaincre par sa capacité à bien gouverner, à rassembler, réconcilier les citoyens et à développer le pays veut asseoir sa légitimité par la force et la terreur : le discours de haine est le lot quotidien des populations burundaises qui sont laissées à elles-mêmes; terrorisées à l’envie par un régime qui voit ses ennemis partout ou qui essaye d’en fabriquer, faute de légitimité. Il ne compte donc plus que sur la force pour étouffer toute idée, toute réflexion ou tout discours dissonant. Toute personne considérée comme ayant des idées et des vues discordantes est, en effet, écartée et marginalisée voire physiquement éliminée. Les libertés publiques sont systématiquement bafouées, les seules personnes habilitées à en jouir étant celles qui sont affiliées au parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Pour ce qui est du financement du processus, le régime Nkurunziza est incapable de compter sur ses bailleurs de fonds traditionnels, pas plus qu’il ne peut convaincre la communauté internationale qu’il a repoussée et éconduite par ses actes d’auto-isolement. Le gouvernement se rabat alors sur la population qu’il saigne à blanc alors que la situation socio-économique est plus qu’exsangue; le tissu social et économique se fissurant progressivement faute de vision et de gouvernance responsable. Autre épine dans le pied du citoyen burundais, qui est loin d’être au bout de son calvaire, l’adoption en date du 18 avril 2018, par l’Assemblée nationale, d’un projet de loi autorisant des fouilles-perquisitions nocturnes sans mandat; une mesure qui va contribuer à augmenter les violations flagrantes et systématiques des droits humains au Burundi. La crainte est grande parmi la population qu’une telle mesure risque d’être un prétexte pour se débarrasser des opposants au régime, réflexe que rappelle la crise de 2015 qui perdure et dont les contrecoups sont encore dans tous les esprits. Point lumineux, cependant, sur ce tableau si gris, la Cour Pénale Internationale (CPI) est au courant de tous ces crimes et s’est engagée, en date du 25 octobre 2017, à ouvrir officiellement une enquête sur les crimes commis au Burundi depuis le 26 avril 2015. Il importe ici de noter que, (autre exemple de mauvaise foi et de calcul politicien), le Burundi s’était déjà retiré de cette cour en date du 27 octobre 2016 et qu’il a refusé de coopérer avec cette cour, de quelque manière que ce soit. Et pour ne rien arranger, le Burundi risque d’être la mèche qui pourrait embraser la sous-région. Regrettable à cet égard de constater qu’alors que d’autres pays augmentent et diversifie le nombre de partenaires pour leur développement, le pouvoir Nkurunziza multiplie ses ennemis, notamment par des actes d’agressions verbales à l’encontre d’autres pays, le cas le plus symptomatique de cette situation étant celui du Rwanda, pays frère et voisin du Burundi et de surcroît, membre de l’East African Community (EAC) au même titre que lui. Face donc à l’échec des moyens diplomatiques et étant donné que le gouvernement du Burundi s’est révélé non disposé à arrêter les graves violations des droits humains, l’Alliance des Burundais du Canada, l’ABC, demande à la communauté internationale de: Préserver, avant qu’il ne soit trop tard, les accords de paix d’Arusha, socle d’une paix durable au Burundi; Prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils burundais, en conformité avec la Charte des Nations Unies, incluant la responsabilité de protéger (R2P); Imposer un embargo sur les armes afin de ne pas contribuer à la distribution illégale et dangereuse d’armes à feu à une milice gouvernementale qui sème la terreur et la désolation. L’ABC demande aussi à la population burundaise de rester unie et solidaire, malgré les agissements d’un pouvoir déterminé à fragiliser son unité, en ayant constamment à l’esprit que les pouvoirs passent mais que le Burundi en tant que nation multiséculaire est appelé à braver le temps et à se défaire des fossoyeurs de tout acabit. Fait à Ottawa le 7 mai 2018 © L’Alliance des Burundais du Canada, l’ABC