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Et si Nkurunziza croyait à sa propre promesse!

«Notre mandat prendra fin en 2020», lâche Nkurunziza à Bugendana en province de Gitega au centre du pays. Le geste posé par Nkurunziza le 8 juin 2018 à Bugendana lors de la promulgation de la nouvelle Constitution du Burundi votée par voie référendaire en date du 17 mai est resté dans les mémoires. En conséquence, les Burundais ne se privent pas de commentaires tous azimuts allant, qui dans le sens de savourer ce revirement inattendu du chef de l’État, qui dans celui de souligner sa énième volte-face en matière de comportement! N’empêche, Nkurunziza a lâché le mot et l’histoire l’a retenu, qu’il concrétise sa promesse ou qu’il s’en rétracte comme à l’accoutumée.

Si d’aventure il décidait d’organiser les élections de 2020 en s’offrant encore en spectacle comme candidat, tout le monde comprendrait, une fois de plus, que la notion de parole donnée n’a de sens que chez ceux qui y croient et qu’elle est vide de sens pour Nkurunziza; un exercice somme toute habituel pour lui. Sa sortie de triste mémoire de 2015 n’a-t-elle pas montré qu’il ne recule devant rien quand il estime ses propres intérêts menacés!

Face donc à la promesse, d’aucuns diront que c’est trop beau pour être vrai et comme nous l’avons indiqué plus haut, ce scepticisme est normal; celui-ci ayant été forgé au gré des contradictions observées, à la lumière de la complexité et de l’imprévisibilité même de la personnalité de Nkurunziza.

A nos yeux et pour être justes, rappelons-nous du dicton selon lequel «La promesse est une dette» et accordons-lui le bénéfice du doute. Cependant et sans que cela soit aucunement un quelconque test de notre part à l’égard du numéro un burundais, l’Alliance des Burundais du Canada, ABC en sigle, pense alors que pour montrer sa bonne foi, contredire les mauvaises langues et les «sceptiques chroniques», au cas où il croirait à sa propre promesse, Nkurunziza se devrait de lancer des signaux qui rassurent et qui rendent concrète la promesse faite du haut de sa tribune de Bugendana. Cela devrait s’articuler de la manière suivante :

  • Demander officiellement pardon au peuple burundais pour le mandat de 2015 usurpé et pour les innombrables victimes de ce hold-up constitutionnel en jurant fidélité à l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi que la décision de promulguer une nouvelle Constitution enterre carrément;
  • Présenter des excuses officielles aux familles éplorées à cause des massacres des leurs et mettre en place un fonds d’indemnisation suivi d’une charte officielle de réaffirmation du «plus jamais ça»;
  • Procéder à l’ouverture de l’espace public, en permettant aux partis politiques et aux organisations de la société civile de s’organiser librement, en aidant aussi les citoyens et citoyennes burundais à se préparer au rendez-vous électoral de 2020, en toute liberté;
  • Lever les obstacles judiciaires et politiques qui contraignent certains leaders politiques à rester en exil, les empêchant, du coup, de participer à la vie publique de leurs pays;
  • Rouvrir et réhabiliter les médias incendiés en juillet 2015 et soutenir fermement et résolument la liberté d’expression en général et la liberté de la presse en particulier;
  • Restructurer la Documentation nationale dans le sens d’en faire un organe professionnel de prévention de menaces contre les institutions et les citoyens, par le biais du renseignement, et non celui de torture et d’administration de la justice parallèle;
  • Procéder au désarmement des Imbonerakure ainsi qu’à leur réinsertion civique et sociale et poursuivre ceux qui commettent les violations des droits humains;
  • Renoncer à toute idée de garder un pied dans les institutions républicaines après la fin de l’actuel mandat, en laissant les coudées franches au chef de l’État qui serait élu, afin qu’il restaure librement et sans entrave le tissu socio-politique et économique du pays;
  • Renforcer la justice tout en la rendant plus professionnelle et indépendante en vue d’instaurer progressivement un état de droit au Burundi;
  • Laisser l’organisation des élections de 2020 à un acteur neutre qui inspire confiance autant au pouvoir qu’à l’opposition.

L’idée d’une commission chargée de préparer le terrain pour une plateforme politico-administrative réussie et un Burundi réconcilié avec lui-même serait la bienvenue. Ce serait notamment une des décisions à laquelle un dialogue franc et inclusif entre tous les partenaires de la scène burundaise pourrait aboutir. Autant dire que si la promesse de Nkurunziza était une réalité, notre rêve aurait tout son sens. Sinon, ceux qui en doutent et qui sont probablement plus nombreux auraient raison de s’en méfier.

Pour encadrer l’initiative et au regard des préoccupations énumérées ci-haut, la Communauté internationale se doit alors de veiller au grain afin que la situation prévalant au Burundi n’échappe pas à sa vigilance et même à son contrôle. Elle doit absolument changer de fusil d’épaule car jusqu’ici, aucun de ses discours, aucune de ses initiatives n’a visiblement impressionne le maitre de Bujumbura. La Communauté internationale doit tout mettre en œuvre pour soutenir résolument et concrètement ce dialogue si souvent prôné, en évaluant rigoureusement l’engagement de Nkurunziza au lieu de se contenter de déclarations d’intention qui ne font véritablement pas faire avancer la paix au Burundi.

 

Fait à Ottawa le 15 juin 2018 

© L’Alliance des Burundais du Canada, l’ABC

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