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Burundi: cinq piliers pour donner une chance à la paix

Il est inutile de perdre du temps à croire qu’il y aura un jour où le Burundi sera composé d’une ethnie unique «élue des Dieux de son choix» à l’exclusion des autres composantes qui sont pourtant caractéristiques de la réalité Burundaise.

L’histoire de ce pays des Grands lacs africains est jalonnée de conflits de toutes natures qui ont un point commun : la volonté d’écarter l’autre et de régner en maître jusqu’à la fin des temps et cela de manière exclusive. Ce rêve a toujours fait des ravages et même des émules, mais il n’a et n’aura aucune chance de se réaliser avec tout le succès souhaité. L’exemple du Rwanda, à travers le génocide des Tutsi de 1994 qui a fait près d’un million de morts, est à cet égard on ne peut plus éloquent. Aujourd’hui encore et demain, si rien n’est fait pour conjurer les démons, les mêmes faits produiront les mêmes effets et nul ne sortira grandi des complots ourdis pour anéantir l’autre.

La solution est donc dans la cohabitation pacifique, une résultante de la primauté du Droit, de la foi en un destin commun et du respect mutuel, le tout reposant sur cinq piliers que nous relevons sans, néanmoins, aucune prétention à l’exhaustivité ni celle de réinventer le fil à couper le beurre.

1.La promotion du dialogue politique sans exclusive

Ce vocable de «dialogue» a sans doute l’air d’être galvaudé tant il est tellement ressassé soit pour des raisons d’efficience ou pour des mobiles stratégiques, soit simplement pour tourner la démarche en dérision. Cependant, c’est bel et bien la recette essentielle pour sortir de l’obscurantisme et le jusqu’auboutisme dans lequel nous sommes constamment plongés, une situation qui nous fait croire que nous règlerons tout par la force et les jeux d’intrigue.

Or, depuis des temps immémoriaux, à travers les instances judiciaires traditionnels et même les cours et tribunaux modernes, la réconciliation et la conciliation ont toujours été les instruments clé de règlement des conflits, en famille, dans les villages et même dans les sphères hiérarchiques les plus élevées.

Par exemple, du temps de la monarchie, le Roi était au-dessus de tout mais pas de la justice et ce n’est pas l’invention du colonisateur. Bien des témoignages et comtes célèbres en font état au grand émerveillement des esprits les plus avisés comme ceux les moins vifs.

L’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi est le plus bel exemple à cet égard. Certains le disent imparfait et même suranné, mais il est loin d’être usé, du moins dans son esprit. Il a inscrit en lettres d’or le mécanisme de dit de vérité et réconciliation dialogue en tandem avec le Tribunal spécial pour le Burundi. Rien que grâce à cet esprit et aux autres mesures mises en place pour concrétiser la cohabitation pacifique des «frères ennemis», l’accord a permis une dizaine d’années de paix relative et s’est révélé être un outil d’importance en matière de partage de responsabilités entre les différentes composantes ethniques du pays, avant d’être enterré par le pouvoir actuel sans l’aval des protagonistes et parties prenantes qui l’avaient mis en place le 28 août 2000 en terre Tanzanienne. Même la constitution qu’il avait inspirée a été révisée sans tenir compte de l’intérêt général auquel doit normalement s’inspirer tout législateur avisé et de bonne foi. Aujourd’hui encore, le dialogue s’impose et ce ne sont pas les acteurs politiques actuels qui en ont pourtant bénéficié, qui devraient en ignorer les vertus.

2.La décontamination politique de la jeunesse

Une jeunesse hautement politisée devient polarisée, ce n’est qu’un secret de Polichinelle. Les exemples existent dans la sous-région et ailleurs, qui montrent qu’on a plus intérêt à éduquer la jeunesse plutôt qu’à l’instrumentaliser aux fins de desseins inavoués et inappropriés. «Qui sème le vent récolte la tempête» dit-on pour dire qu’il n y a rien à attendre d’une jeunesse sans repères, transformée en «la voix de son maître» au lieu d’être correctement formée en fonction des défis de l’heure et des enjeux de demain.

Les différentes exactions et crimes attribués aux Imbonerakure comme aux Interahamwe de l’autre rive de la Kanyaru sont assez symptomatiques des faits et des résultats qui peuvent découler d’un endoctrinement politique sans aucune éthique, nourri par la haine et caractérisé par la démesure. Quelqu’un disait que quand la force et l’intelligence de la jeunesse sont exploitées à bon escient, il y a peu d’obstacles au développement qui ne sauraient être vaincus. Mais quand elle devient un instrument de violence et de mort, aucun développement durable ne peut être envisagé, le pays s’enlise et se ratatine comme une peau de chagrin et cela sur plusieurs générations.

Décontaminer cette jeunesse est plus qu’un besoin urgent. Si cela n’était pas fait et dans les meilleurs délais il ne serait pas certain que l’œuvre d’endoctrinement et d’instrumentalisation politique dont cette jeunesse a fait l’objet ne se retournerait pas principalement contre ses véritables architectes.

3.La laïcité de l’État

La Constitution de la République et le bon sens consacrent en principe la laïcité de l’État dans un contexte où la liberté de culte est censée mettre au même pied d’égalité les confessions religieuses et reconnaître aux citoyens le droit d’adhérer à la religion de leur choix.

Il a été prouvé par l’histoire que l’association de la politique et de la religion génère des extrémismes et des intolérances. On pille, viole et tue au nom de Dieu le miséricordieux et il n y a aucune forme de justice qui s’y oppose. Tout ce que l’on fait et dit semble être inspiré par le Très haut et on dialoguerait même avec lui en songe et nul ne peut le contester.

Quand cela vient des personnes ordinaires, c’est encore moins létal. Cependant, quand ce type de comportement est incarné par des personnes en position d’autorité, tout ce qui est fait ou dit fait office de loi. En conséquence, tous ceux qui commettent des crimes en leur nom passent pour des acteurs légitimes. L’église est une institution qui a des règles, des principes de fonctionnement et qui parle beaucoup aux gens. L’état est également une institution mais qui, en démocratie en coiffe toutes les autres. Il n’est donc pas normal qu’une confusion s’installe entre les deux ou que l’une ait tendance à vouloir supplanter l’autre. Les frictions ou les conflits ne sont pas non plus souhaitables.

Pour aller droit au but, disons qu’il a été constaté qu’au Burundi, la famille présidentielle mobilise au nom du Tout Puissant à travers un nouveau mouvement religieux dont elle assure la direction, l’église traditionnelle faisant aussi de même dans le cadre de ses missions traditionnelles. La différence est que, sans pour autant vouloir en être l’avocat, l’église catholique et bien d’autres encore sont dans leur plein droit et même dans leur élément, pour un pays comme le Burundi avec une forte sensibilité vis-à-vis de la chose religieuse. Il en résulte une certaine confusion de rôles et de la cacophonie tout comme une sorte de conflit latent qui semble s’installer.

4.Mettre fin à l’instrumentalisation des souffrances et des mémoires

Dans toute société organisée, la mémoire appartient à la communauté et sa monopolisation crée des excès et même des exclusions. Il n’est pas normal, par exemple, que sous prétexte qu’une communauté est aux commandes, elle ose faire fi des souffrances de l’adversaire pour accorder plus d’attention aux seules souffrances de ses membres.

Il est de notoriété publique qu’au Burundi des personnes issues des différentes communautés ethniques ont subi des injustices. Beaucoup même d’entre elles ont été emportées par les crises cycliques qui se sont abattues sur le pays. Loin de nous l’idée d’établir des responsabilités car, cela est loin d’être dans nos missions. Cependant, des instances nationales et internationales habilitées existent et devraient faire ce travail sans triomphalisme ni souci d’humilier mais plutôt pour justement réconcilier et guérir les mémoires. Si des mécanismes d’évaluation des opinions fonctionnaient, il ne serait pas étonnant que Hutus, Tutsis et Twa confondus et dans leur majorité expriment le souhait de faire éclater la vérité au grand jour, afin d’éviter des globalisations. Mais en attendant que cela soit possible, il est important que les pouvoirs publics évitent de mobiliser des énergies et des moyens faramineux pour instrumentaliser les mémoires et les souffrances à coup de manifestations, d’insultes et autres moyens d’intimidation car, cela ne rend pas un peuple plus grand mais il l’asservit à tout jamais.

5.Halte à la spoliation de la population pour des opérations publiques non essentielles

Pour des rendez-vous électoraux, anniversaires d’autorités ou autres faits non reliés à l’intérêt général, la population est constamment mobilisée pour dépenser de l’argent. «Corvéable et taillable» à l’envie, elle est enrôlée de force malgré la précarité de ses moyens. Or, il n’a même pas encore été prouvé que ces prélèvements forcés soient strictement nécessaires. Si nous prenons le cas des élections, par exemple, pourquoi financer des opérations électorales qui ne permettent pas d’améliorer le quotidien des populations si ce n’est que pour légitimer des acteurs politiques en mal de reconnaissance et de légitimité!

Au lieu de recourir à ce genre de harcèlements, il importe que les autorités burundaises décrispent ses rapports avec ses partenaires et bailleurs financiers afin qu’ils apportent l’aide nécessaire à l’organisation des opérations politiques pertinentes. La seule gêne est que ces mêmes autorités devront en justifier l’utilisation, un exercice qui passe mal à leurs yeux pour des mobiles qu’on ne peut ne pas soupçonner.

Fait à Ottawa le 29 janvier 2019

© L’Alliance des Burundais du Canada, ABC

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